
Je vous présenterai ici ce grand oiseau plongeur. Habituellement, il recherche les rivières et les lacs poissonneux de grandes dimensions, tranquilles et aux eaux claires. Quelle chance avons-nous! Combien de fois sommes- nous ébahis par ses plongeons, ses courses effrénées et ses parades nuptiales? Le huard à collier est remarquable par sa beauté, ses couleurs et ses motifs à damier noir et blanc. Son cri nous réjouit et nous rappelle que nous sommes dans un lieu privilégié.
Il existe 5 espèces de huards, dont le huard à collier, le huard arctique, le huard à bec blanc et le huard du Pacifique. Nous prendrons le temps de connaître davantage le huart à collier qui nous honore de sa présence au lac Clair.
Chants et danses
Une étude permit de discerner 4 cris dont un ressemble à une plainte, une tyrolienne un trémolo et un hululement. La plainte est un son mélancolique parfois comparé au hurlement du loup transportée par le vent sur de longues distances et est émise dans une variété de situations (des interactions désirées, la crainte d’une séparation avec les petits, quand le mâle agresse un intrus). La tyrolienne est le cri le plus complexe lorsque l’oiseau défend son territoire. Il peut être associé aussi à une parade. Ce cri communicatif dure 4 à 6 secondes et est surtout entendu au crépuscule et il est souvent repris par les huards des lacs avoisinants.
Le trémolo est émis lorsque le huard pressent un danger, il pousse un trémolo dont l’intensité est proportionnelle au danger perçu, il est souvent décrit comme un ricanement ou un cri de soprano. Lorsqu’une embarcation s’approche du territoire de nidification le huart déclenche la parade d’affrontement ou «danse du pingouin» où il se dresse, la tête en arrière et le bec touchant la poitrine frappant l’eau de ses pattes en la faisant gicler et il bat des ailes puis plonge et pousse des trémolos bruyants, il souhaite détourner l’attention du prédateur des poussins.
Le hululement est une note plus douce, hésitante, interrogatrice et semble être utilisé lorsqu’il nourrit le poussin ou lorsqu’il souhaite repérer ou garder contact avec les congénères des lacs avoisinants. Parfois, les huards combinent différents cris pour marquer des situations ou émotions plus complexes. Aussi, les cris accompagnent la «danse du cercle» ou cérémonie du bain de bec lors de grands rassemblements ou durant la pariade du couple. Ici, ils nagent l’un vers l’autre et se trempent le bec à l’eau, plongent, refont surface et nagent doucement en cercle.
Le nid et les œufs et les poussins
Habituellement, les huards à collier construisent leurs nids en bordure de l’eau pour leur permettre de se glisser vite à l’eau. Toutefois, cela les rend vulnérables aux fluctuations du niveau de l’eau et aux vagues produites par les embarcations. Ils préfèrent les îles, ilots pour éviter les prédateurs tels que les ratons laveurs, moufettes, visons et renards. Petite anecdote : Au lac Clair, j’ai eu à défendre les œufs d’un nid construit sur notre terrain au bord de l’eau, sur plusieurs nuits alors qu’un raton laveur était dénoncé par les miaulements de notre chat. Une nuit d’orage, le chat n’étant pas dehors, le raton en profita pour manger les 2 œufs. Triste histoire! Selon les auteurs de «Magie du huart», le couple pourra tenter alors un autre accouplement pour assurer la survie de l’espèce. Toutefois, le stress et la dépense énergétique déployée par l’oiseau seront grands et pas nécessairement fructueux.
Les huards à collier ont une attirance particulière pour leur ancien nid. Les nids sont parfois construits sur la hutte de rats musqués ou de castors entourés de végétation pour servir d’écran. Composé de roseaux, de plantes aquatiques, parfois de boue en créant une petite dépression pour accueillir d’un à trois œufs, mais habituellement on observe deux œufs. Les œufs sont gros, ternes et légèrement tachetés.
La vie gravite autour du nid et l’énergie des parents est utilisée pour la survie des poussins. Le couple de huarts à collier se relaie pour de courtes périodes pour la couvaison qui dure environ 1 mois. La ponte se fait par intervalle entre 6 heures et
30 heures et l’éclosion se fait dans le même ordre. Les chances de survie du deuxième poussin est moins élevé que le premier, celui-ci étant plus fort il quémandera davantage de nourriture.
La compétition est forte et les batailles entre poussins sont observées : le plus jeune pourra se nourrir quand le premier est rassasié sans quoi il recevra de forts coups de bec. Le plus jeune sera donc moins fort et plus vulnérable à la prédation. À long terme, la survie de l’espèce est assurée par ce système de dominance. Quand les vivres sont rares, les parents auront le temps pour chercher la nourriture pour un seul poussin. Si la nourriture est abondante comme au Lac Clair, les deux parents auront le temps de nourrir adéquatement les deux poussins et les deux survivront.
Les deux premières semaines de vie sont les plus critiques, le taux de mortalité est élevé pour les 4 premiers jours. En plus des prédateurs cités plus haut, les mouettes, les goélands, les corbeaux et corneilles, la tortue serpentine, les chiens et les chats apprécient les oisillons. D’autres huards peuvent aussi présenter une menace. Les parents réagissent rapidement et férocement pour protéger leurs petits. Il est possible que les petits passent beaucoup de temps (50 à 65 % du temps) sur le dos des parents les deux premières semaines. L’adulte s’enfonce dans l’eau pour permettre au petit de s’installer sur son dos.

Les petits sont surveillés étroitement, si un des poussins reste en arrière, les parents l’incitent à les rejoindre vocalement, si le poussin n’obéit pas, l’un des deux parents va le rejoindre. Les jeunes huards doivent apprendre à se cacher, à se diriger vers le rivage ou à plonger en cas de danger. S’ils sont menacés, les parents essaient de créer une diversion, ils peuvent faire «la parade du pingouin» ou attaquer physiquement l’intrus.
Les apprentissages sont nombreux dès les premiers jours de vie, l’habilité à la nage, la cueillette d’aliments, les battements d’ailes, la toilette des plumes. L’apprentissage au plongeon se fera graduellement. Au début, ils sont maladroits jusqu’à ce que leurs pattes soient assez fortes pour les propulser sous l’eau. On compte environ 2 semaines.
Les huarts recherchent les lacs où les poissons sont nombreux ainsi ils n’ont pas à laisser les petits sur de longues périodes pour la recherche de la nourriture. Les perchaudes, carpes, ménés, truites, barbottes, écrevisses, crustacés, grenouilles, salamandres, sangsues font partie de leur nourriture principale. Aussi, les poussins des becs-scie gobés par en dessous de l’eau font partie du menu. Habituellement, les huarts ne tolèrent pas le partage d’un lac avec d’autres espèces de canards.
À huit semaines, les poussins ont presque toutes leurs plumes, leurs pattes et leurs pieds sont presque la dimension de celle des adultes ce qui les rend aptes à plonger pour capturer leur proie. Les parents partent sur de plus longues périodes les laissant se débrouiller, mais n’oublient pas de les nourrir à leur retour.
À la fin de l’été, les jeunes huarts ont toutes leurs plumes et sont prêts à voler. Les parents offrent encore du poisson, mais le jour approche où ils quitteront les petits pour émigrer sur une distance de plus de 1600 kilomètres. La migration n’est pas une activité de troupeau, on retrouve des oiseaux isolés, quelques couples, parfois ils peuvent être un peu plus nombreux. Après le départ des parents, avant la venue des glaces, les jeunes pourront s’associer à d’autres orphelins pour quitter leur territoire de nidification. Le jeune huard passe trois ans ou plus sur le Golfe du Mexique et sur l’Atlantique avant de revenir dans nos lacs et forêts nordiques.
Les pattes et les ailes
Les pattes du huard sont situées près de la queue ce qui ne lui permet pas de marcher sur la terre ferme, étant en déséquilibre. Toutefois, pour la plongée et la nage, ses pattes lui permettent de se propulser dans les profondeurs ou de nager à fleur d’eau. Il peut plonger jusqu’à 70 mètres pour trouver sa nourriture et rester sous l’eau plus d’une minute. Pour s’envoler le huart doit parcourir près de 400 mètres en tapant rapidement l’eau traçant un sillon sur le lac puis les ailes captent l’air, le corps devient horizontal et il s’envole. En vol, le huart utilise ses pattes et ses ailes. Ses pieds sont aussi très efficaces pour faire de longues et rapides envolées. On a observé une vitesse allant jusqu’à 160 km/h.
L’homme et le huard
Le nombre de lacs où le huard peut nicher n’est pas illimité. Certains sont trop développés par l’humain et les sites de nidification ont disparu. Sur certains lacs, il existe trop d’activités récréatives et la nidification est impossible. Si le poisson a disparu par l’acidification de l’eau, le huard doit chercher d’autres lacs pour se nourrir. D’autres sources de pollution dans certains lacs par le plomb ou le mercure peuvent nuire grandement à la survie des huards. Tout dérangement dans l’écologie forestière dérange le cycle de vie de ce plongeur. Les embarcations à moteur peuvent emporter les nids et détruire les œufs, les plaisirs récréatifs pour les uns peuvent causer un tort important pour le huard.
Certains humains fabriquent des plates-formes pour protéger les nids des prédateurs ou pour contrer les fluctuations du niveau d’eau. Le but est de voir réussir les nichées, mais parfois les humains qui s’aventurent trop près pour voir les œufs et oisillons font en sorte que ces oiseaux magnifiques décideront de partir au risque de perdre leur couvée. Il a été observé que l’utilisation de la plate-forme peut sauver des huards lorsque le développement de villégiature est trop important et qu’il y a perte d’habitat et lorsque les prédateurs sont trop nombreux (attention de ne pas nourrir les ratons laveurs ou tout autre prédateur ce qui en augmente le nombre).
Selon Faune Québec, le huard est une espèce en difficulté qui connaît un déclin de sa population depuis plusieurs années. Pour assurer sa protection, il faut limiter les activités nautiques près de son milieu de vie. «Cet oiseau est très sensible au dérangement humain et connaît un déclin de sa population depuis les plusieurs années. La présence de pêcheurs, de villégiateurs ainsi que certaines activités humaines affectent cet oiseau et son habitat. Pour assurer sa protection et limiter l’influence des activités humaines sur son milieu de vie dans les lacs où la pêche est pratiquée, il est recommandé de récupérer le matériel utilisé ou endommagé lors des activités de la pêche, des hameçons, des fils casés, des leurres artificiels ou des pesés de plomb, par exemple, peuvent empoisonner, blesser et même devenir un piège mortel pour ces oiseaux aquatiques. Par ailleurs, il est également suggéré de préserver une distance avec les huarts lors des excursions nautiques, notamment pendant la période de nidification qui s’étend de mai à juillet afin que les adultes n’abandonnent pas leur nid. » (Faune du Québec)
Au lac Clair, nous avons la chance d’admirer ce bel oiseau, nous scrutons l’eau attentivement dans l’espoir d’apercevoir la famille des huards, nous souhaitons entendre leurs chants et voir leurs danses à fleur d’eau, leurs parades spectaculaires et nous les admirons lors de leur envolée. Sachons préserver cette beauté de la nature sauvage pour le plaisir d’entendre son chant envoutant pour les prochaines générations…
Chantal Breton, Vice-présidente de l’APLCM
Bibliographie :
Kate Crowly, Myke Link, Magie du huart, Éditions Broquet, 1990, 96 pages,
Marc Surprenant, Les oiseaux aquatiques du Québec, de l’Ontario et des Maritimes, Éditions Michel Quintin, 1993, 285 pages
Roger Tory. Peterson, Guide des oiseaux de l’Amérique du nord à l’est des Rocheuses, Éditions France-Amérique, 1984, 384 pagesSite : Fondation de la Faune du Québec, http://www.fondationdelafaune.qc.ca

