La bernache du Canada

J’ai entendu des cris si  forts de ka-rônk et si percutants dans le silence de ce matin brumeux que j’ai couru pour voir de quoi il s’agissait. J’ai aperçu un couple de bernache sur le lac Clair (ce printemps 2019) et j’ai eu le goût d’en savoir un peu plus sur leur migration. Combien de fois, je me suis ruée  sur le pas de la porte pour entendre ces oiseaux majestueux. Elles nous annoncent le printemps ou la venue des grands froids. Voici quelques informations pour nous les faire  davantage apprécier.

LES CORRIDORS DE MIGRATION sont très bien cartographiés et ont une largeur de 50 à 80 km  et suivent les cours des vallées fluviales, des lacs et marais côtiers pour offrir des aires de repos, de la nourriture et de l’eau tout  au cours de ce grand périple.  Elles survolent presque tout le continent nord-américain.  Un grand nombre nidifient dans le centre du Canada autour de la Baie d’Hudson, péninsule d’Ungava, vers le nord de la toundra arctique, dans les régions lacustres du Manitoba, de l’Ontario et du Québec. 

Année après année, en grandes troupes, des milliers de bernaches voyagent sur de longues distances pour retrouver leurs aires de nidifications ou leurs aires de sites d’hivernage. Elles retournent toujours aux mêmes endroits. Elles peuvent parcourir jusqu’à 1600 km. Un grand mystère de la nature est de constater que ces oiseaux retrouvent leur chemin pour migrer à des milliers de kilomètres par tous les temps et de jour comme de nuit. 

Selon les chercheurs, ces oiseaux se servent d’une multitude de signaux pour déterminer leur parcours. Le repérage des lacs, des rivières, des  marais aide à suivre un parcours précis.  Lorsque le temps ne permet pas ce repérage,  il semble que les bernaches se guident par la position du soleil, les étoiles et les champs magnétiques terrestres. À noter que certaines bernaches demeurent au même endroit (en Colombie-Britannique) car le climat et la nourriture sont propices à leur développement. Aussi, si un partenaire est blessé en cours  de route et que la femelle pond ses œufs à un endroit inhabituel, la future génération reviendra à ce même endroit et, dans l’avenir, plusieurs bernaches seront observées dans ce lieu (par exemple, au Québec, parc de la Yamaska en Montérégie). Là comme ailleurs, elles peuvent être nuisibles en polluant les réservoirs d’eau douce, abimer les plages et pelouses, empêcher les gens de dormir par leurs caquetages incessants et ailleurs nuire au trafic aérien.

LA CLASSIFICATION EN DIFFÉRENTES RACES est fondée sur l’aire de répartition des bernaches, leur taille, la forme de leur tête et cou, leur couleur, leurs voix et cris. Les petites races pèsent entre 1,4 et 1,8 kg et les plus grandes entre 4,1 et 6.4 kg. 

LE COMPORTEMENT EN VOLest gracieux et régulier à une vitesse qui varie entre 68 et 72 km/h. Pendant leurs vols migratoires, les bernaches volent dans le sillage de l’autre qui précède et elles forment un V flottant ce qui réduit la résistance de l’air. Elles profitent ainsi d’un courant d’air ascendant réduisant l’effort pour le battement de leurs ailes. Souvent, il a été observé que le mâle dominant donne le signal de départ pour les vols vers l’aire d’hivernage par un vigoureux mouvement de tête et de sons. Au printemps, ce serait la femelle du mâle dominant qui mènerait le troupeau vers le site de nidification. Les troupeaux sont formés de grandes unités familiales. Quelques fois, de petits oiseaux voyagent sur le dos des bernaches profitant de ce vol express pour la migration.

PARIADE ET PARADE : Les jeunes jars choisissent leur compagne vers l’âge de deux ou trois ans. Le jars défend son territoire et éloigne les éventuels prétendants. Lors du choix du partenaire, le mâle et la femelle procèdent à une parade vocale où ils crient en duo de manière synchronisée. Ils secouent et relèvent la tête, pointent le bec vers le haut et parfois, arquent le cou et émettent des hônks stridents. Précédant l’accouplement, on observe une parade d’immersion du cou dans l’eau où l’un et l’autre plongent de façon rythmée la tête et le cou et en se relevant se lançant de l’eau sur le dos. Puis le mâle monte sur le dos de  la femelle en lui tenant les plumes du cou avec son bec. Après l’accouplement, les deux bernaches relèvent la tête  et s’étirent le cou. Par la suite, le couple demeure très près l’un de l’autre en vol, dans l’eau, au repos ou quand ils se nourrissent.

UNIS POUR LA VIE, les bernaches après leur premier accouplement risqueront leur vie pour aider leur partenaire en difficulté. Si l’un des deux est tué, l’autre le cherchera pendant une longue période délaissant le troupeau pour le chercher  et peut même aller jusqu’à se laisser mourir. 

NIDIFICATION : Les couples qui ont niché l’année précédente réclament habituellement l’emplacement de leur ancien nid. Les nouveaux doivent se trouver des espaces libres. La femelle creuse une dépression dans le sol et en garnit l’intérieur d’une couche de bouts de bois, d’écorce, herbes, petites pierres et couvre le tout d’une couche de duvet. Elle pond quatre à sept œufs sur six jours. Puis elle couve pendant 26 à 28 jours. Elle quitte brièvement pour aller se nourrir, boire et se baigner. Si la température est froide ou si de la neige est au sol, elle ne quittera pas son nid. Certains prédateurs peuvent mettre fin à la couvaison tels que les renards, les coyotes, les grands corbeaux, les goélands argentés, les aigles, les pies et même les ours en Alaska qui se nourrissant des œufs ou des petits. Les parents bernaches s’occupent de leurs petits avec vigilance et les défendent contre les prédateurs.

LES OISONS : La couvaison après l’éclosion dure entre une et trois semaines dépendant de la température jusqu’à ce que les oisons puissent se réchauffer par eux-mêmes. Lors des siestes, ils forment une pile de petites boules duveteuses. Dès la première journée, ils doivent apprendre à se nourrir d’herbe et à pagayer dans l’eau. Leur croissance est rapide et leur poids devra presque atteindre celui des parents pour septembre. Dès la troisième semaine,  les oisons perdent leur duvet graduellement et les plumes apparaissent. Vers la sixième semaine, commencent leur entrainement au vol, courir sur la surface de l’eau en battant des ailes. Leur première envolée est observée vers la neuvième semaine alors que le duvet a été remplacé entièrement par des plumes. À la fin de l’été, les jeunes bernaches sont prêtes à s’envoler vers le sud avec leur famille.  

LA CHASSE AUX OISEAUX AQUATIQUES se pratique depuis des temps immémoriaux. Le vaste continent nord-américain semblait en receler une abondance illimitée. Toutefois, la chasse intensive dans certaines régions a vu surgir un déclin fulgurant de la population des bernaches. Par la suite, les chasseurs sont devenus défenseurs de la sauvagine et ils  ont constaté qu’une saine gestion du gibier devait faire partie de leur passion.

PROTECTION DES BERNACHES : L’avenir des bernaches est lié à la protection de leur environnement soit les marécages, marais et terrains uligineux. Ils sont des refuges pour les oiseaux, les mammifères, et les poissons. Beaucoup de ces terres sont détruites annuellement au profit de routes, de fermes, d’aéroports, de constructions domiciliaires (condos), de centres d’achats. Canards illimités est l’un des instigateurs du mouvement de conservation de ces zones de nidifications pour protéger les écosystèmes essentiels à la survie de plusieurs espèces sauvagines.

Chantal Breton, Vice-présidente de l’APLCM

Bibliographie :

La bernache du Canada, KIT HOWARD BREEN, Édition Broquet